TROIS FONTAINES
Trois Fontaines était une petite ville
Iringdir avec un petit port de pêche. D'après l'aubergiste
Ajian, Trois Fontaines était peuplé par environ
5000 habitants. Ce dernier avait accepté de me louer une
chambre sous les toits pour un prix assez raisonnable. Je m'y
étais installé pour attendre Arren, mon Maître.
Le jour de mon Examen Primordial de Mahô approchait et j'espérais
qu'il avait lu la lettre que je lui avais laissé avant
de partir. Je n'avais pas l'intention de laisser tomber la Mahô
(même si je ne désirais pas vraiment devenir magiste)
. J'avais foi en la nature et les Saaphées et les exercices
d'harmonisation me procuraient un bien être et une sérénité
des plus appréciables. Pourtant, même si Arren était
mon ami, je n'avais aucune idée de la manière dont
il avait réagit à ma lettre. J'espérais sa
venue et chaque jour je me rendais à la tombée de
la nuit sur la place du village. Je m'asseyais sur la fontaine
et observais les voyageurs venant du Nord. J'attendais en contemplant
les étoiles, puis quand la nuit était bien avancée,
je finissais par rentrer à l'auberge en espérant
qu'Arren arriverait le lendemain. Parfois le ciel était
trop nuageux pour contempler le ciel alors je marchais dans les
rues et observais les échoppes qui fermaient. Une fois
ou deux je m'offrais un bol de soupe bien chaude à la Taverne
au Poisson. Je ne le faisais pas souvent car je devais surveiller
mes dépenses.
L'aubergiste ne me demandait jamais de compte
d'autant que je le payais de manière ponctuelle. Le reste
du temps je restais le plus possible confinée dans ma chambre
pour éviter de me faire trop repérer dans le village.
J'étudiais le document Tech et les notes de TON mais surtout,
je révisais ma Mahô. Quand je sortais, je m'enfonçais
dans le bois pour retrouver des réflexes propres à
la Mahô liée à la Nature. J'y cueillais des
plantes et les préparais en remèdes et potions comme
me l'avait appris ma mère. Je comptais les revendre à
un marché pour renflouer un peu ma bourse.
Le temps passait et au bout de trois semaines,
je commençais à m'inquiéter sérieusement.
Non seulement le jour de l'Examen Primordial devait se dérouler
dans un mois mais en plus mes ressources financières allaient
bientôt s'épuiser… Je commençais à
douter de la venue de mon Maître et à envisager de
partir avant de ne plus pouvoir le faire. Un matin, j'avais vu
depuis ma fenêtre une milice d'ordre se promener dans la
ville et interroger les passants. J'avais eu peur que l'aubergiste
ne me dénonce (car même en gardant toujours ma cape
et mon couvre chef pour dissimuler mes cheveux et mes oreilles,
mon accent avait certainement trahi mes origines Selen) mais il
n'en avait rien fait et la milice d'ordre était repartie
aussi vite qu'elle était venue. Mais cet incident me laissait
perplexe et je redoutais le retour de la milice. Pourtant, je
restais et attendais encore Arren.
Trois jours plus tard, j'étais une fois
de plus sur la fontaine. Je regardais les étoiles scintillantes
dans le ciel d'été. Mon espoir s'évanouissait
de plus en plus car si mon Maître venait, je doutais maintenant
qu'il ait le temps de rentrer à temps à Silme pour
faire passer l'Examen Primordial à mes camarades. Je soupirai
fortement en me demandant ce que j'allais pouvoir faire après
tout cela. Je voulais continuer mes recherches sur le parchemin
mais je ne savais pas où je pouvais aller. Alors que j'étais
absorbée dans mes pensées, je perçus des
bruits de pas venant de la route du Nord. Je tournais la tête
et aperçut une troupe se masser en silence dans ma direction.
Sans attendre la réaction des hommes qui composaient ce
que je croyais être une milice d'ordre, je me levais et
me préparai à m'enfuir quand j'entendis :
- Maja na quenthil erthiel ! (= C'est elle, sur
la fontaine!)
C'était la voix de ma camarade Arthill.
Puis d'autres voix s'élevèrent en même temps
et je reconnus alors tous mes camarades de Maho avec à
leur tête, mon Maître, Arren.
- Drende Maho lor seleth quediel, tilm Silmelin,
me dit-il alors. (= Tu ne dois pas manquer ton examen de Maho,
Silmelin)
J'étais vraiment émue de retrouver
tous mes amis. Je les invitai à se restaurer à la
Taverne au Poisson puis Arren voulu s'entretenir avec moi en privé.
Une fois dans ma chambre à l'auberge, il m'expliqua qu'après
avoir reçut ma lettre, il avait parlé aux autres
élèves et ensemble, ils avaient décidé
de me laisser une chance de passer l'Examen Primordial. Et pour
ce faire, il voulait nous emmener à Salinka dans un Sanctuaire
dédié à Emerrin. La nouvelle me laissa sans
voix. Arren m'avait apporté de l'argent de la part de Grand-Père
ce qui me permis de payer l'aubergiste sans problème. Nous
partîmes dès le lendemain pour Salinka. La seule
chose que mon Maître avait exigé de moi fut une étude
intense de ma Maho durant le voyage en bateau jusqu'à la
ville capitale. Il m'avait bien entendu questionné au sujet
de mon séjour à Port Shavinka. Je sentais qu'il
avait du demander des informations à Grand-père
au sujet des motivations de mon départ c'est pourquoi je
finis par lui raconter la vérité. Pouvoir enfin
parler de mon secret me soulagea énormément et contrairement
à mes craintes, il ne me réprimanda pas. Pendant
le reste du voyage, nous fûmes très proches. J'étudiai
avec ardeur ma Maho et mes camarades passèrent beaucoup
de temps avec moi pour me parler de Silme et des gens que je connaissais.
En échange, je leur donnais mes impressions sur la vie
en pays Iringdir. Puis par un après midi ensoleillé,
notre bateau arriva en vue du Port Est de Salinka, la ville capitale
d'Antaria….
SANCTUAIRE D'ISHOGA
Pour passer l'Examen Primordial de Mahô
à SALINKA, notre Maître, Arren avait choisit d'effectuer
un pèlerinage au sanctuaire d'ISHOGA, haut lieu de pèlerinage
sous la Protection d'Emerrin, Saaphée de la Nature. A notre
arrivée au sanctuaire, un Aman à l'air sévère
nous accueillit et nous conduisit au temple de Triskell, Saaphée
élémentaire. Le temple était en bois et en
marbre. De nombreuses plantes s'étaient infiltrées
dans l'édifice et grimpaient librement le long des murs.
Une ouverture sur le toit illuminait la pièce. Au centre
de celle-ci était posée sur un autel sculpté
de bois et d'or une pierre brute de Triskell, représentant
la Saaphée. L'autel était également gravé
de dessins et de symboles représentant la Nature et les
élémentaux en harmonie.
L'Aman nous demanda alors de nous asseoir en
cercle autour de l'autel et d'écouter Triskell. Quand nous
fîmes silence, la Nature se mit à nous parler par
le chant des oiseaux, les pas des animaux, le flottement du vent
dans les branches et les feuilles des arbres… Nous levâmes
tous les yeux vers l'ouverture sur le toit. Les immenses arbres
qui entouraient le temple nous dominaient de leur hauteur. Le
soleil brillait dans un ciel sans nuage mais comme ses rayons
pénétraient dans le temple en traversant les feuilles,
la pièce était baignée d'une douce lumière
verte. Une jeune Aman nous mouilla le front avec de l'eau Sacrée.
Le Maître nous avait enseigné que
l'Eau Sacrée de Triskell était préparée
avec de l'eau fraîche de rivière dans laquelle on
mélangeait du riz et des pétales de fleurs lors
d'une cérémonie spéciale. C'était
un plaisir de ressentir la fraîcheur de l'eau légèrement
parfumée coulant sur mon front. Le rituel de l'eau sacré
signifiait que nous étions prêts à effectuer
le pèlerinage. Lorsque la jeune Aman eut terminé,
j'aperçus notre Maître sortir seul du temple. Le
premier Aman se mit alors à parler.
Il commença par nous remercier d'avoir accepté le
cérémonial. Il nous invita à nous perfectionner
jusqu'au jour de l'examen. Il nous rappela ensuite les règles
sacrées du sanctuaire et nous demanda d'assister à
certains rituels le matin et le soir qui avaient lieu dans ce
temple. Enfin nous fûmes libres de faire ce que nous voulions.
A Ishoga, les étudiants n'avaient pas
de toit pour dormir et devaient se procurer leur nourriture eux-même
en chassant et en cueillant des plantes. Et parce que le sanctuaire
était immense, les étudiants se retrouvaient rapidement
seuls et livrés à eux-même pour étudier
dans le calme avant de passer l'Examen. Toutefois, certains décidaient
parfois de rester en groupe pour ne pas porter le poids de la
solitude. C'était le cas d'un certain nombre de mes camarades
car nous étions très proches.
Mais j'avais pour ma part des questions à poser à
Arren c'est pourquoi je laissai mes amis et partis à sa
recherche. Après avoir cherché pendant un bon moment
sans succès, mes pas me conduisirent jusqu'au temple de
Jaspe. En m'approchant de l'édifice, j'entendis la voix
de mon Maître m'appeler. Je pénétrai alors
dans le temple sombre et le cherchai du regard. De nombreux encens
brûlaient dans le temple et une fumée très
épaisse mais pourtant pas désagréable envahissait
complètement la pièce. Instinctivement, je me dirigeai
vers un pilier sur la droite où se trouvait mon Maître.
Il me dit qu'il m'attendait et que les questions que je comptais
lui poser pourraient certainement attendre. Avant que je n'aie
pu répondre quelque chose, il désigna l'intérieur
du temple puis il me dit :
- Si j'ai choisi Ishoga pour vous faire passer
l'Epreuve, c'est parce que j'espère que ma meilleure élève
va exploiter encore plus ses compétences.
Il gardait les yeux fixés sur le centre
de la pièce. Je ne savais quoi répondre.
- Et les autres ? finis-je par lui demander.
- Ils pourront aussi perfectionner d'autres sorts s'ils le désirent.
Mais ce n'est pas la même chose.
- Pourquoi ?
- Ca, tu le comprendras par toi-même, Sygill.
Là dessus, un Aman de Jaspe s'approcha
de nous. Arren le salua et se retira immédiatement après.
Je faisais face à l'Aman qui m'invita à le suivre
vers l'autel. Il m'indiqua l'horaire de ses offices, puis me dit
qu'il serait très heureux de m'enseigner la sagesse de
Jaspe si j'en éprouvais le désir et la foi. Puis
il me laissa et j'eu tout loisir de me recueillir dans le temple.
Celui-ci était beaucoup plus grand que
celui dédié à la Saaphée Triskell.
Les murs étaient peints de scènes sacrées
dans les tons verts et le sol était recouvert d'un doux
tapis couleur de l'herbe. La texture était assez étrange
: cela ressemblait beaucoup à de la mousse mais je savais
que ce n'en était pas. Au centre de la pièce, un
tapis plus épais en forme de carré devait servir
à l'entraînement et l'harmonisation. Autour de ce
tapis se dressaient les colonnes qui soutenaient l'édifice.
Un faible rayon de lumière venant du toit m'éblouit.
Je levai les yeux et constatai que ce rayon provenait d'une sorte
de trappe fermée. J'appris plus tard que cette trappe n'était
ouverte que la nuit, lors de l'entraînement. L'autel se
trouvait au fond du temple, face à moi. Il était
entouré par deux statues de marbre et de Jaspe représentant
les gardiens de ce lieu. Au centre brûlaient de nombreux
encens que les Amans renouvelaient régulièrement.
L'odeur était vraiment très forte et me montait
à la tête.
Je pris un encens pour le faire brûler
à mon tour quand je remarquai les coupes remplies de pierres
symboliques. Mon regard fut attiré par l'une d'elle : c'était
un Jaspe piqueté de points rouges.
- Elle est très belle, n'est-ce pas ?
souffla une voix par dessus mon épaule.
Je me retournai et découvris une grande
femme Iflis aux cheveux et à la peau dorés qui me
souriait. Elle ne portait pas de tunique Amanique mais des vêtements
de voyages.
- Je me nomme Jaheira, me dit-elle. Comme tu
semblais admirer la Jaspe Sanguine, cela m'a rappelé des
souvenirs…
- Vraiment ?
- Eh bien, j'ai passé mon examen primordial dans ce sanctuaire
il y a dix ans (Ithil) maintenant. Et moi aussi quand je suis
arrivée devant cet autel j'ai été stupéfaite
de voir pour la première fois ce type de pierre. Parfois
les Amans font cadeau de ces pierres à leurs élèves
les plus doués, mais les pierres sanguines sont réservées
aux meilleurs d'entre nous.
- Oui, mon Maître m'en a déjà parlé.
- Es-tu déjà allée au Grand Sanctuaire d'Aménia
?
- Non. Qu'est-ce que c'est ?
- Tu ne connais pas ? C'est le plus grand sanctuaire dédié
à Emerrin de tout Antaria. Si tu as un jour l'occasion
d'aller en pays Laica, rends-toi à Aménia. Tu pourras
y suivre un complément de formation non négligeable.
- Ah oui ? Mais peut-être ne m'accepteront-ils pas. Si le
sanctuaire est si important, n'importe qui ne doit pas pouvoir
y pénétrer…
- C'est vrai mais j'ai foi en la conviction d'Arren.
- Quoi ? Tu connais mon Maître ?
- En effet, je connais Arren depuis longtemps. Nous avons passé
notre Examen Primordial ensemble dans ce sanctuaire. C'est lui
qui m'a proposé de venir le rejoindre ici pour rencontrer
ses élèves…
Elle ôta un anneau doré de son auriculaire
et le glissa dans ma main.
- J'ai accepté de faire le voyage jusqu'ici
car je voulais transmettre cet anneau à une personne digne
… Quand tu te présenteras à Aménia
en le montrant, les Amans te laisseront entrer dans le sanctuaire.
Si tu n'es pas à la hauteur, tu devras leur rendre la bague.
En revanche, si tu es à la hauteur, tu pourras la garder
et un jour, tout comme moi et comme les précédentes
personnes qui l'ont possédée, tu la transmettras
à un élève que tu auras jugé digne
de pénétrer dans le sanctuaire d'Aménia.
- Mais je ne peux accepter…
- Et pourquoi donc ? Remettrais-tu en doute la foi de ton Maître
? Garde cette bague, c'est moi qui te le demande.
Je la regardai un instant, hochai la tête
et passai l'anneau à mon doigt. Il était un peu
large mais avait été conçu pour des doigts
de femmes Iflis. Elle me demanda alors :
- Et maintenant ? Vas-tu accepter de passer l'Examen
de Jaspe ?
- Bien sûr ! Je ne vais pas remettre en doute la foi de
mon Maître !
Jaheira me sourit. Le son d'une flûte arriva
à nos oreilles. C'était l'appel pour les étudiants
du temple de Triskell. L'Iflis dorée me souhaita bonne
chance pour mes futurs examens et me salua. Je la remerciai encore
pour l'anneau et la saluai à mon tour avant de m'éclipser.
Le soir après avoir participé au
rituel de Triskell, je croisai à nouveau mon Maître
non loin du temple. Je lui fis part de ma rencontre avec Jaheira,
de l'anneau et de ma décision de passer l'Examen Primordial
ET celui de Jaspe. Nous discutâmes longtemps tous les deux
de la Mahô, de Jaheira et aussi des souvenirs d'Arren. Le
lendemain, je retournai au temple de Jaspe et me présentai
pour passer l'épreuve de Détection et Perception.
Comme j'avais déjà participé à la
cérémonie sacrée dans le temple de Triskell,
je n'y eu pas droit cette fois-ci. Par contre, l'Aman me proposa
de débuter immédiatement la formation à l'étude
des sorts de Jaspe.
Mes journées furent ainsi partagées entre l'étude
pour Triskell le matin et l'étude pour Jaspe l'après-midi.
Et le soir, je retrouvais mes amis ou discutais avec Arren. La
première semaine, je croisai plusieurs fois Jaheira, puis
elle nous annonça son départ pour le pays Laica
où son mari l'attendait. Elle passa l'avant dernier soir
avec tous mes camarades et le dernier avec Arren.
Après cela, le temps passa très vite. Je fus très
studieuse et me perfectionnais au maximum. Et c'est ainsi que
le grand jour arriva, celui de l'Epreuve de l'Examen Primordial.
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