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Premier Vol

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Ça y est, j'y suis.
L'éolenn aussi.
Le bout de l'île également.
Et le vide itou.
Mais ma peur est la plus présente de tous! Et pourtant, le léger tintement des clochettes a d'habitude le pouvoir de calmer mes angoisses.

Ce trimestre d'Eau a été digne de son nom, sur cent vingt jours Ithil seuls quatre non pas été humides. Enfin humides... disons qu'il n'a pas plu et que seul un épais brouillard avait englouti l'île. Un brouillard tellement épais que même le tintement des clochettes de sauvegarde au bord du vide était presque inaudible et surtout se diffusait dans toute les directions, si bien qu'il était impossible de savoir où était le bord de l'île. Malgré la facilité d'évacuation de l'eau, durant ces trois mois Ithil, certaines parties de l'île avait été inondées. Aqualie est maintenant terminé, c'est un grand soulagement pour nous Celesi. Je n'arrive pas comprendre comment on peut aimer l'eau et dire que les Du-fond y vivent quotidiennement, c'est un peuple de fous!
Nos oracles annoncent enfin un temps clément pour les prochaines semaines. Nous allons pouvoir reprendre le commerce avec les d'En-bas maintenant que le soleil revient.
Et en effet Vita commence sous de parfaits augures. Le ciel a perdu son ton bleu profond même au zénith et nous offre un azur clair, comme si toute l'eau tombée les mois précédents avait emporté le pigment indigo du firmament vers le Royaume du Fond. Aucun nuage, même des plus évanescents, n'imprime sa silhouette immaculée sur quelque azimut et seules les neiges éternelles des sommets de l'Ered Selen font office pour nous de nébulosités. Le soleil est bien avancé dans sa course descendante, je crois que cette année le trimestre Nature correspond à l'automne d'Orma, et nous baigne d'une lumière à peine plus blanche que d'habitude, annonçant les prochains frimas et leur air sec et éthéré. Mais pour le moment, nous profitons d'une douce température qui réchauffe nos corps et assèche lentement notre sol encore spongieux. Un vent léger vient parfois, agacer un coléoptère agrippé à une feuille, agiter les cheveux d'un dresseur d'éolen, emporter une plume duveteuse perdu par un oiseau de passage ou caresser mon visage. Il nous apporte surtout, suivant sa provenance, les parfums des autres îles, ceux des terres lourdes d'en-bas ou encore ceux iodés de l'océan. Oui, Vita commence magnifiquement. Oui, c'est le jour parfait pour voler.

D'ailleurs l'éolenn, dont je vais être le passager, partage visiblement mon avis. Mais sa façon de l'exprimer est bien exubérante à mon goût. Alors que ses deux compagnons font preuve d'un grand calme, celui-ci s'ébroue constamment, déploie et bat des ailes de temps en temps, gratte la terre et piaille gaiement. Il a envie de voler, parce qu'il aime ça, c'est étrange... Cet éolenn a vraiment quelque chose de spécial, il anticipe ses sentiments. D'ailleurs il éprouve des sentiments?! J'ai toujours pensé qu'un animal, quelqu'un fut ressentait des sensations et seulement au moment d'une action, se rassasier en mangeant, avoir peur devant un danger, avoir du plaisir en jouant. De plus comment imaginer qu'un animal puisse ressentir du plaisir à faire ce pourquoi il a été conçu par la nature, nager pour un poisson, marcher pour un mammifère ou voler pour un oiseau, il ne s'agit bien pour eux que d'un mode de vie. Ou alors, ce qu'il aime c'est partager son plaisir du vol avec son passager, ce serai pour cela qu'il montrerai tant d'enthousiasme. Parce qu'il aime le contact des humains, bien que l'on doit parfois lui paraître être de drôles d'oiseaux. Et parce qu'il aime que son dresseur soit content de lui...

Mais quand un homme prend un bâton avec la prochaine intention de le lancer à son chien, ce dernier comprend immédiatement et doit éprouver du plaisir au futur jeu... Finalement le comportement de cet éolen est tout à fait normal et l'angoisse de mon prochain vol m'entraîne dans des réflexions farfelues, peut-être pour que j'oublie les nombreux tremblements qui m'agitent.
Et toujours ma monture tourne vers moi ses grand yeux globuleux aux larges pupilles mordorées pour s'assurer que je suis toujours là. Sa houppette bistre au vent, il piaille son impatience à son dresseur, son bec imperceptiblement ouvert laissant passer son sifflement agacé, provenant du fond de sa gorge légèrement rose. Sautant alternativement sur ses pattes, il lance son corps beige en avant, ses grandes ailes empennées de noir déployées afin d'inciter son dresseur à le laisser partir, mais ce dernier ne bouge pas sachant que l'animal attendra son ordre. Finalement cet animal me fait l'impression d'être un enfant capricieux et me rend encore plus nerveux. L'attente devient insupportable. Depuis combien de temps suis-je là, les yeux rivés sur cet éolen à la physionomie saugrenue pour son espèce?... En définitive, il doit bien être à part.

D'ailleurs sa livrée m'évoque quelque chose... Ne serait-ce pas un enfant de celui qui me fit voler lorsque je n'étais encore qu'un jeune Celesi? Ce jour-là, je m'en souviens parfaitement. Le temps était aussi magnifique qu'aujourd'hui bien que ce fût au printemps d'Orma. Pour rendre sûr et aisé le premier vol d'un enfant Celesi, on choisi toujours le début de l'année d'Orma, période symbolique du renouveau, de la naissance, du commencement. Il est vrai qu'un enfant ne comprend pas ces considérations philosophiques, mais ne les perçoit-il pas? Toujours est-il que pour la même raison, en ce jour particulier, mon père était venu me réveiller avant le lever du soleil. Après un toilette succincte, nous étions allés rendre hommage à Emeth la Saaphée de l'Air au petit autel que mon père m'avait fait construire la veille et que nous brûlerions après mon vol.
Mon père avait acheté pour cela du bambou d'en-bas et une pièce de soie d'Hab'risishim (l'île des tisserands). Avec ces quelques matériaux, mon père m'avait appris à construire un moulin à vent, quelques morceaux de bambou pour la structure, quelques morceaux de soie judicieusement découpées et collées pour les pales, les chutes du tissu pour décorer l'ensemble. Puis il m'avait laissé choisir l'endroit où le placer, la seule indication qu'il m'avait donné était: " il faut que la Saaphée de l'Air puisse s'amuser avec ton moulin, pour t'accorder sa bienveillance. "... Dans le vent dominant, bien sûr! Après avoir mis en place mon moulin, j'ai adressé une prière à Emeth pour lui recommander ma construction. J'étais vraiment fier de moi et je crois que mon père aussi.
Ensuite après un petit déjeuner sur le pouce, il m'avait emmener dans les premières lueurs de l'aube vers le lieu d'envol. En chemin, il étudiait le ciel en me faisant remarquer telle étoile pas encore effacée par la clarté du jour, Ithil pleine qui se levait, le fin croissant d'Orma se couchant, quelques cirrus annonçant une pluie prochaine, mais... hmm! pour les d'En-bas uniquement...
Moi, comme tous les enfants Celesi pour leur premier vol, j'étais excité comme une puce, les yeux peut-être encore ensommeillé mais bien conscient que ce jour-là je rentrerais dans le monde des grands, ceux qui volent, j'accédais enfin à ce qui fait la particularité de ma race, j'allais enfin faire vraiment partie de la communauté et recevoir la reconnaissance des aînés.

C'était il y a vingt ans Ithil. De la même façon, qu'à cette époque, j'ai construit un petit moulin en guise d'autel à la Saaphée de l'Air et m'y suis recueilli à l'aube. Puis je me suis dirigé, le nez en l'air, jusqu'ici avec le fervent espoir de le brûler à mon retour. Ce jour, s'il ne déçoit pas mes attentes, sera une véritable renaissance. Mais je dois avouer que ma volonté qui étais encore inflexible quand je suis arrivé, commence à se fissurer et faiblir. Or si je veux recommencer à vivre, il me faudra passer outre mes faiblesses. Renaissance... Vivre... Voilà les buts que je me suis fixé. Ces dernières années ont été pour moi fort éprouvantes, à la fois trop courtes car je n'en garde rien en mémoire et trop longues puisque je n'en ai rien fait. Sept ans de non-vie perdus dans le trou noir de l'oubli. Sept ans pendant lesquels j'aurais pu... j'aurais dû prendre une épouse et fonder une famille. Qu'à cela ne tienne, je peux toujours commencer maintenant. Oui, mais aujourd'hui il ne me sera pas facile d'accéder au bonheur familiale, je suis déjà presque trop vieux pour cela. Et mon corps a énormément souffert, il est encore anémié, de nombreuses cicatrices l'enlaidissent, il n'a plu la liberté de mouvement qu'il avait... je ne m'y sens pas chez moi. D'ailleurs parfois ce sentiment me plonge dans de profondes dépressions. Sept ans et je n'ai toujours pas réussi à m'y faire. Enfin pour le moment, ce corps meurtri, ne me fait parvenir que les sensations agréables de la météo clémente, ainsi que les irrépressibles tremblements angoissés annonçants le seuil entre audace et renoncement. Je pressens que cette épreuve, que les enfants Celesi accomplissent avec excitation et insouciance, est l'exutoire définitif à tous mes problèmes psychologiques. Je ne suis plus un enfant ce qui m'a permis d'analyser tout cela, ça m'a permis également de comprendre que la guérison est possible. Je ne suis plus un enfant, excitation et insouciance s'en sont allées laissant place à la raison et la peur. Sachant la préciosité de la vie, aurai-je le courage de retrouver mon insouciance d'enfant ou me résignerai-je à vivre avec ces névroses. Où est la sagesse, dans l'inconstance infantile ou dans la raison adulte?!

A part moi, sur cette aire de d'envol, il y a quatre autres Celesi. Deux d'entre eux sont les dresseurs des éolenns, les deux autres sont là comme moi pour voler.
L'un a mon âge. Il a été emporté par un glissement de terrain, en se cognant à des rochers il a eu divers membres cassés. Il avait été laissé pour mort, mais après plusieurs semaines il a été retrouvé à moitié ensevelit, transit de froid mais vivant. Il avait réussi à survivre en grignotant les maigres racines mises à jour par le glissement de terrain et à portées de son bras valide. Mais à être resté si longtemps sans soin, ses fractures avait déjà commencé à se ressouder au petit bonheur la chance!... Aussi aujourd'hui, sa démarche est hésitante, saccadée, claudiquante, ses jambes étant sans souplesse et irrémédiablement tordues suivant des angles douloureux. Son bras droit de la même façon montre une raideur définitive alors qu'au repos sa main tournée vers l'extérieur adopte la courbe d'un crochet. S'il est ici ce n'est pas comme moi pour savoir s'il pourra revoler, lui n'a jamais arrêté. Il n'a jamais arrêté de vivre. Avec les dresseurs, il essaie de mettre au point une selle ergonomique pour permettre aux gens handicapés de continuer à voler de manière autonome.
L'autre " volant ", est un vieux Celesi. Il est très détendu, affable, serviable, d'une grande bonté. Il est déjà allé plusieurs fois caresser les éolenns, il a aidé le Celesi handicapé à déballer son matériel et l'a encouragé dans ces efforts. Aux deux dresseurs, il s'est également adressé aimablement, les félicitant pour leurs magnifiques éolenns. A moi, il m'a parlé de tout et de rien, il devinait mon angoisse et n'a pas abordé le sujet, et pendant notre entretien ma peur a totalement disparu, sa sérénité m'avait envahi, sans une seule fois évoquer mon vol, il a réussi à renforcer ma détermination, quel force! Pourtant, souvent son regard se perd à l'horizon, alors un sourire serein éclair son visage. Il est rempli d'une incommensurable nostalgie. J'ai déjà croisé des Celesi comme lui et comme tous Celesi en a déjà rencontré. C'est son dernier vol... dans quelques jours il rejoindra Emeth.
L'un des dresseurs est une adolescente, elle apprend auprès de son maître a connaître, soigner, apprivoiser, dresser, aimer et se faire aimer des éolenns. Son amour pour ces symboles de notre peuple est tout à fait évident et sincère... elle en déborde en fait. Son maître semble également très satisfait de l'attention qu'elle porte aux bêtes. Elle a même une qualité, qui pourrait faire pâlir de jalousie les éolenns, elle me semble plus aérienne qu'eux! Sans aucun doute elle deviendra une grande dresseuse.
Son maître est... atypique. Physiquement d'abord, sa barde choque! A-t-on jamais vu un Celesi arborant barde ou moustache?! Toujours dans les bizarreries, il ne porte pas les habits Celesi, mais une tenu de d'En-bas, Asian ou Nohn-Ke je ne saurais dire. D'ailleurs son teint basané, laisse penser à un métisse. Mais vis-à-vis de ses éolenns surtout... Il semble être hors de leur vie, il ne semble pas les surveiller et les laisser faire selon leur volonté, il ne semble pas être un dresseur! Les bêtes ne sont pas entravées. Il semble être un ami... un des leurs. Il ne doit pas avoir de maison et vivre constamment avec eux.

Depuis mon accident de vol, qui m'a coûté sept ans de convalescence, je ne m'étais jamais approché si près du vide. Maintenant je suis sur le dos de ma monture, elle a senti ma terreur, elle s'est calmé.
L'horizon bascule. L'éolenn s'est jeté dans le vide, pendant une fraction d'éternité, nous restons suspendus, immobiles. Une instantanée sueur froide me glace les sangs! Alors que nous prenons enfin de la vitesse, par-delà la houppette de l'éolenn, mon champs de vision est rempli des paysages aplatis d'en-bas. Il est parti en piqué... Aaaaah!... Aah!... Ha, ha!... Ha, ha ,ha!... Quel bonheur.

écrit par JAZZY, Aôut 2001.

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